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Convictions

 

 

 

Extraits d'un entretien avec Emmanuel Stern

 

         Mes bricolages me permettent de jouer avec les images sans le réfuter, en les détournant, en les bricolant... On connaît les dessins que l’on utilise chez les psy ; on appelle ça des paradigmes : le lapin oiseau, les oiseaux antilope, la jeune fille sorcière... Selon le regard que l’on porte, selon l’humeur du moment, selon l’environnement, selon la référence utilisée pour le décodage, ces dessins peuvent avoir différentes lectures. Cette théorie de la représentation cognitive m’a passionné et sans doute servi pour mes collages mais aussi pour ma peinture...

La peinture est plus exigeante, plus contraignante, plus prenante. Elle demande un investissement personnel beaucoup plus grand que dans les collages, mais je n’ai pas l’impression que la démarche soit très différente. Même si les collages ont quelque chose de plus spontané, même si les périodes consacrées à la peinture occupent totalement mon esprit, mon souci est le même : entraîner la participation du spectateur, lui faire voir autre chose que ce que je donne à voir. J’aime faire surgir derrière chaque image présentée des images cachées, des images enfouies; il faut refuser les images toutes faites ...

Lorsqu’on le mot pose la question: « Vous considérez-vous comme un artiste contemporain ? ». Je réponds que, sans doute oui je le suis au sens étymologique du mot puisque je suis un artiste encore vivant, donc de notre temps. Donc contemporain mais en réalité, sans doute pas, puisque je me considère comme un héritier des artistes d’hier. Sans doute pas, puisque je me méfie des escroqueries picturales à la mode. Sans doute pas, puisque je refuse de me soumettre à la vogue de l’Art-spectacle, qu’est devenu l’art dit contemporain. Un art qui privilégie les performances et autres installations plutôt que les arts plastiques rejetés ou laissés -pour-compte.

Je pense qu’un artiste s’inscrit dans un très une très longue histoire faite de ruptures prenant toujours en considération (soit en rebondissant, soit en sublimant, soit en bousculant) l’éblouissante et longue histoire de l’Art...

S’il fut longtemps facile de définir ce qu’est une œuvre d’art, c’est beaucoup plus difficile depuis que Marcel Duchamp, histoire d’en finir avec l’art bourgeois de l’époque, décréta qu’un urinoir pouvait être considéré comme une œuvre d’art parce qu’un artiste en avait décidé ainsi. Ce qui n’était qu’un mouvement provocateur nécessaire est devenu parole d’évangile entraînant une production de myriades d’œuvres d’art réalisées par de faux artistes impuissants , soutenus par une intelligentsia inculte bêtement avant-gardiste qui regroupe nos « Mééveilleux » et« Incooyables » du moment épatés par des audaces désuètes et parfaitement bécassonnes ...

Une œuvre d’art est une production de l’esprit sublimée par un souci ou une volonté de beauté, d’esthétique, d’universalité, d’intemporalité, que sais-je encore ? Prisonnière de contraintes librement consenties, elle possède une sorte de force intérieure, d’âme , oserais-je dire.
Une œuvre d’art c’est un mystère voilé, une intériorité cachée, un moment de grâce livré au regard de l’autre...

Jadis, lorsque Dieu existait, une œuvre d’art était le moyen de le faire approcher. Aujourd’hui, une œuvre d’art devrait rester l’expression d’un élan irrépressible vers l'Absolu, une manifestation d’exaltation divine qui est en nous . En effet, que reste-t-il après que les dieux sont morts si ce ne sont les œuvres d’art qui leur étaient dédiées . Une œuvre d’art, c’est la part de Dieu qui est en nous.

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